Dans cet article, nous allons aborder le fusil réglementaire modèle 1874 "Gras" et ses variantes (carabine de cavalerie, carabine de gendarme à pied et à cheval et mousqueton d'artillerie). Ce fusil, contemporain des revolvers modèles 1873 et 1874, est une évoution du fusil modèle 1866 Chassepot. Bien que n'ayant pas connu de conflit majeur, les armes modèle 1874 du système Gras firent régulièrement le coup de feu dans les colonnies françaises, par nos militaires.
Les armes du système Gras, tout comme les revolvers modèles 1873 et 1874, utilisent une cartouche de calibre 11mm, dans un soucis d'harmonisation des calibres des armes portatives légères réglementaires. Cette harmonisation se perpétuera avec les armes de calibre 8mm: Fusil modèle 1886 Lebel, puis armes longues du système Berthier, et revolvers d'essai modèles 1887, puis revolver d'ordonnance modèle 1892.
Pour traiter de ce magnifique fusil, j'ai laissé la parole à un expert de cette arme: Philippe, et j'ai complété l'article ensuite.
Sommaire
Vous trouverez dans cet article consacré aux fusils et carabines du système Gras (modèle 1866-74 et 1874):
- Le Fusil Gras, l’inséparable compagnon du revolver 1873.
- Un nouveau fusil: le modèle 1874, dit Gras.
- Du fusil Chassepot au fusil Gras.
- Les différents modèles d'arme du système Gras.
- Les manufactures.
- La munition de 11mm Gras.
- Les fusils Gras en opération.
- Les autres pays utilisateurs du fusil Gras.
- Fusil Gras modèle 1874 M80 (et 1866-74 M80): La modification M80.
- Les fusils Gras transformés Chasse.
- Les fusils Gras scolaires.
- Les fusils Gras de cadet.
- Les Bataillons Scolaires.
- Le fusil Gras au stand de tir.
- Conclusion.
Le Fusil Gras, l’inséparable compagnon du revolver 1873.
Au lendemain de la guerre de 1870 le bilan pour la France est dramatique, perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, changement de régime, 5 milliards de francs à payer à l’Allemagne.
L'année terrible, Gustave Doré. 1871
La France doit se reconstruire, elle le fera dans un esprit de revanche contre la nouvelle Allemagne ne cessant de penser au retour des provinces perdues.
La tâche noire, Albert Bettannier. 1887
Un nouveau fusil: le modèle 1874, dit Gras
Le réarmement de l’armée devient donc un sujet d’importance.
Si le fusil Chassepot n’avait pas démérité lors du conflit, sa cartouche combustible dépassée et surtout le choix par l’ennemi en 1871 d’un nouveau fusil à cartouche métallique en remplacement du Dreyse, le rendait obsolète.
Les finances du pays et le stock de fusils Chassepots détenu poussaient à une conversion de ce dernier à l’emploi d’une cartouche métallique moderne, plutôt qu’à la conception ou l’achat d’un tout nouveau fusil.
Une commission fut chargée d’évaluer le meilleur système de conversion, c’est au final celui proposé par le capitaine Basile Gras (polytechnicien) en 1873 qui fut adopté en 1874.
Les anciens Chassepots mle 1866 seront modifiés et deviendront des fusils, mousquetons ou carabines Gras modèle 1866-74 (1 700 000 exemplaires), les armes longues construites neuves (2 250 000) porteront la référence 1874 (fusils, carabines ou mousquetons Gras modèle 1874). L’arme sera déclinée comme le Chassepot dans différentes variantes adaptées aux usages des troupes (voir plus bas) :
- Fusil
- Carabine de gendarme à pied (çi-dessous)
- Carabine de cavalerie
- Mousqueton d'artillerie
Du fusil Chassepot au fusil Gras
Le fusil modèle 1866 Chassepot
Le fusil chassepot (et ses dérivés supra) est le 1er fusil français à chargement par la culasse, il tire une munition dont l'amorce, la poudre et la balle sont enveloppés dans du papier. Ce fusil bien que précis et ayant une portée nettement supérieure au fusil allemand équivalent (Dreyse) souffre de plusieurs défauts, les cartouches sont fragiles et ne peuvent être mouillées, l’encrassement de la chambre est rapide, l’aiguille est fragile et la culasse ne s’arme pas à l’abaissement du levier, il faut pour cela tirer le chien en arrière.
Fusil modèle 1866 Chassepot:
Fusil modèle 1874 Gras:
Les évolutions constatées entre le fusil du système Chassepot et le fusil du système Gras
Comme on peut le voir en comparant le Chassepot et le Gras, l’aspect reste le même.
Les modifications sont les suivantes :
La culasse
La culasse est entièrement nouvelle, elle est munie d’une rampe hélicoïdale et d’une tête mobile permettant son armement à l’abaissement du levier, l’aiguille est remplacée par un percuteur, l’obturateur disparaît, un extracteur traverse la tête mobile pour saisir l’étui tiré et permettre l’approvisionnement d’une nouvelle cartouche.
Culasse du Chassepot :
Culasse du Gras :
Le canon du fusil:
L’arme reste au calibre 11 mm.
Les armes du type 1866-74 (Chassepot transformé Gras) seront soit modifiées au niveau de la chambre pour recevoir la nouvelle cartouche métallique (alésage puis insertion à force d’un cône de raccordement aux rayures), soit équipées d’un nouveau canon.
La date de la modification est rajoutée sur le côté droit du canon à la suite de la date d’origine ou figure seule dans le cas du canon changé. En regardant par la chambre, la différence entre les deux canons est évidente :
Crédit photos: Forum TCAR.
La boîte de culasse
La boite de culasse est légèrement différente dans le cas des armes 1874 au niveau de sa terminaison vers l’arrière :
On notera les marquages reprenant la manufacture et le modèle de l'arme, sur le boîtier, sous forme d'inscription sur le côté gauche.
La hausse
La hausse du fusil modèle 1866 Chassepot est remplacée.
Cette hausse est formée (comme pour les derniers modèles 1866) d'une planche mobile et d'un curseur à rallonge, mais dont la forme est différente.
La planche mobile comporte des crans de mire fixes pour les distances de 200, 350 et 1.300 mètres. Elle est graduée de 25 mètres en 25 mètres: sur le côté gauche pour les distances de 400 à 1200 mètres, et sur le côté droit pour les distances de 1.400 à 1.800 mètres.
Le curseur, quand à lui, porte le cran de mire mobile servant pour les distances de 400 à 1.200 mètres, et la rallonge (qui porte le cran de mire mobile) pour les distances de 1.400 à 1.800 mètres. L'arrêtoir porte le cran de mire de 300 mètres.
La finition
Au niveau de la finition, toutes les armes du système 1874 (Gras) reçoivent un bronzage noir.
Cet élément permet de distinguer, au premier coup d'oeil, (entre autre) un fusil, mousqueton ou carabine du système Gras de son homologue du système Chassepot.
En effet, toute sles armes du système Chassepot ont les parties en métal polies et sans bronzage.
La baïonnette du fusil Gras
Le fusil mle 1874 est équipé d’une nouvelle baïonnette droite: l'épée-baïonnette modèle 1874. La lame est en forme de "T", et la poignée est en bois et laiton. Sur le dos de la lame, on retrouve le marquage de la manufacture (Manufacture d'Armes de Châtellerault, Manufacture d'Armes de Saint Etienne ou Manufacture d'Armes de Tulle), suivi du mois et de l'année de fabrication.
Trois autres types de marquages apparaissent régulièrement sur le dos des lames d'épées-baïonettes modèle 1874. Tout d'abord "Usine de Steyr " suivi de la date, qui correspond à une commande de plus de 200 000 baïonnettes à l’usine de Steyr en Autriche (contrat avec le Ministère de la Marine et des Colonies), en 1878 et 1879. Ces baïonettes sont réceptionnées et contrôlées à Saint-Etienne.
Ensuite, on trouve les marquages "Paris Oudry" ou "L.Deny", suivi d'une date (année de fabrication). Il s'agit de marquages de fournisseurs civils, ayant eu un contrat de sous-traitance avec les manufactures d'état (principalement entre 1880 et 1882 pour ces 2 fabricants).
Les autres armes (mousqueton d'artillerie, carabine de gendarmerie et carabine de cavalerie) gardent leur modèle d’origine: sabre-baïonnette modèle 1866 à lame courbe (yatagan) pour les deux premiers (le fourreau sera bronzé à partir de 1883, comme pour les sabres-baïonnettes mle 1866 de la série Z, destinés aux soldats non armées du fusil), ou baïonnette droite à virole pour les carabines de cavalerie.
Epée-baïonnette (lame droite) du modèle 1874 au dessus, et sabre-baïonnette (lame en forme de yatagan) du mle 1866 en dessous.
Les baïonettes gras portant une ancre sur la croisière sont destinées à la marine et aux troupes coloniales.
Il est également à noter que la baïonnette destinée au fusil modèle 1878 de marine Kropatschek ressemble fortement au modèle 1874 Gras. Lame et fourreau sont similaires, c'est principalement le profil du dos de la poignée (droit, sans le décrochement de la Gras), et la largeur de bague qui est plus grande. Enfin, le dos des lames des baïonettes modèle 1878 pour fusil Kropatschek est marqué "Mre de Steyr Mr de Werndl" (pour la manufacture de Steyr, en Autriche), suivi de l'année de fabrication (pas de mois). On retrouve l'ancre sur la croisière et le fourreau.
Les différents modèles d'arme du système Gras
Les armes réglementaires du modèle 1874 (Gras) se divisent en plusieurs modèles, biens spécifiques:
Planche provenant de l’instruction du 30 août 1884 sur les armes et munitions en service dans les corps.
De haut en bas:
- Le fusil modèle 1874 Gras
- La carabine de cavalerie modèle 1874 Gras
- La carabine de gendarmerie modèle 1874 Gras
- Le mousqueton d'artillerie modèle 1874 Gras
Le fusil d'infanterie, modèle Gras (1874)
Le fusil modèle 1874 gras possède des garnitures en acier et mesure 1m30, pour 4,2 kg.
Le levier de culasse est droit.
La baïonnette est celle du modèle 1874, à lame droite.
La carabine de cavalerie, modèle Gras (1874)
Carabine de cavalerie modèle 1866 Chassepot (1872), transformée Gras. Crédit photos: MK.
La carabine de cavalerie modèle 1874 possède des garnitures en laiton. Il est à noter qu'elle dispose d'une capucine, en plus de l'embouchoir et de la grenadière, ce qui la différencie du modèle de gendarmerie à pied qui ne possède pas cette garniture.
Les passants de bretelle sont aussi décalés par rapports aux autres modèles.
La carabine de cavalerie mesure 1m17 pour 3,6 kg.
Par contre, pas de baïonnette pour ce modèle de carabine, à l'exception de celles qui sont affectées à l'armement des gendarmes à cheval, qui reçoivent une baïonnette quadrangulaire à virole.
La carabine de gendarme à pied, modèle Gras (1874)
La carabine de gendarme à pied modèle 1874 possède aussi des garnitures en laiton (embouchoir et grenadière, mais pas de capucine) et mesure 1m17 pour 3,6 kg.
Le levier de culasse est coudé.
Sur la carabine de gendarme à pied, on monte le sabre-baïonette modèle 1866 (lame en forme de yatagan) du fusil Chassepot.
le mousqueton d'artillerie, modèle Gras (1874)
Mousqueton d'artillerie modèle 1866, transformé Gras (1874), modifié 1880 (M80). Crédit photos: MK.
Le mousqueton d'artillerie modèle 1874 possède lui aussi des garnitures en laiton, et mesure 0m99, pour 3,3 kg.
Le levier de culasse est coudé.
Pour les mousquetons Gras, le sens des rayures est inversé: rayures à gauche.
La baïonette du mousqueton d'artillerie est le sabre-baïonette modèle 1866 (lame en forme de yatagan) du fusil Chassepot.
Les hausses sont adaptées à la balistique de chaque modèle.
Comparatif des 4 modèles d'armes du système Gras (fusil, carabines et mousqueton)
Comparatif entre (de haut en bas):
- Carabine de cavalerie modèle 1874 Gras
- Carabine de gendarmerie modèle 1874 Gras
- Mousqueton d'artillerie modèle 1874 Gras
- Fusil modèle 1874 Gras
Avec leurs baïonettes:
- Fusil Mle 1874 Gras M80
- Carabine de cavalerie/gendarmerie à cheval Mle 1874 Gras M80
- Carabine de gendarme à pied Mle 1866/74 M80
- Mousqueton d'artillerie Mle 1874 Gras M80
Crédit Photo: François Reuche
Les manufactures
Les armes du système Gras ont été fabriquées, de 1874 à 1884, dans plusieurs manufactures d’état (St Etienne, Tulle et Châtellerault):
La production est la suivante (source forum TCAR):
- Manufacture d'armes de Saint-Etienne (MAS): 1 242 995 fusils, 119 299 carabine de gendarme à pieds, 83 287 carabine de cavalerie
- Manufacture d'armes de Tulle (MAT): 430 000 fusils, 200 000 mousquetons, 45 000 carabine de gendarme à pieds
- Manufacture d'armes de Châtellerault (MAC): 510 000 fusils, 70 000 mousquetons
Parallèlement à cette production militaire, de nombreux armuriers proposeront des fusils civils destinés aux sociétés de tir qui florissaient alors dans cette France patriotique et rêvant de revanche.
Ci-dessous un fusil fabriqué par S. Gester à St Etienne :
Ce fusil de type Gras du commerce est en tout point semblable au réglementaire mais dépourvu des marquages et poinçons des manufactures.
En outre, toujours dans cet esprit de revanche, une version allégée et plus courte sera produite pour l’instruction militaire dispensée dans les écoles, ce fusil dit Gras de cadet utilisera une munition moins puissante pour l’instruction au tir des jeunes générations appelées à devenir de futurs soldats.
La munition de 11mm Gras
Le 11 mm Gras, dénommé 11x59 R (calibre 11mm) devient la 4ème cartouche métallique française, après l’adoption de la cartouche 11 mm du revolver 1873 et celles des revolvers Lefaucheux de Marine (1858 et 1870).
La cartouche 1874 est une munition d’un diamètre de 11.25 mm calepinée (papier fin enroulé autour de balle pour éviter le plombage), la balle en plomb pur pèse 25 g elle est propulsée par 5.25 g de poudre noire. Entre les deux se trouve une rondelle de feutre gras. La partie de la balle sortant de l’étui est graissée.
Cette cartouche est modifiée une première fois en 1879, essentiellement au niveau de la bourre qui devient en cire, puis une seconde fois en 1883 avec l’adoption d’une balle en plomb durci à 5% d’antimoine et pourvue d’un méplat sur le dessus.
De gauche à droite: balle modèle 1874 (plomb pur), balle modèle 1879 (plomb pur) et balle 1879-83, tronquée pour le magasin tubulaire des fusils Kropatschek modèles 1884 et 1885.
Enfin en dernière évolution, la cartouche sera munie d’une balle à enveloppe laiton, le noyau restant en plomb (3ème ci- dessous).
Les fusils Gras en opération :
Les armes du système Gras ne constitueront pas l’armement principal des armées lors de conflits majeurs, le Lebel 1886 et les Berthiers l’auront remplacé lors de la grande guerre bien qu’il équipa encore les troupes de l’arrière (territoriaux) qui, dans certains cas eurent à combattre.
Pour autant les fusils Gras connaitront de nombreux théâtres d’opérations lors des conquêtes coloniales de la 3ème république, de l’Afrique à l’Asie, il fut le digne compagnon du revolver 1873 et servit avec grande efficacité les troupes de marine, l’armée d’Afrique et la légion.
Il s’illustra notamment lors de la bataille de Tuyen Guang en janvier 1885, où 700 soldats, dont une majorité de légionnaires, firent face pendant 3 mois et jusqu’à l’arrivée des renforts à 20 000 chinois correctement armés.
Episode de la défense de Tuyen-Quan (janvier 1885), Lucien Pierre Sergent. 1885
Les Chinois avaient pratiqué une mine qui fit brèche à l'enceinte, ils donnèrent l'assaut et furent repoussés. Le sergent Bobillot fait boucher la brèche sous le feu de l'ennemi.
Quelque part en Afrique...
Territoriaux équipés du fusil Gras (Source: Geraldbaios)
Il a été également rapporté que l’armée de l’air en équipait encore parfois en 1940 les gardiens de ses installations.
Les autres pays utilisateurs du fusil Gras
En cette période de rapides innovations armurières, le fusil Gras ne sera pas beaucoup copié ou exporté à l’étranger.
Il y aura toutefois une production à Steyr en Autriche (marquage Steyr sur le boitier et Y=1874), pour l'armée Grecque:
Marquages d'un fusil Gras fariqué à Steyr (Autriche) (Source: TCAR)
la Grèce (commande spécifique à Steyr) et l’Ethiopie (armes réglementaires Françaises) l’utiliseront au combat, de même que la Russie qui en recevra un grand nombre au début de la Grande Guerre pour pallier les énormes pertes de son armée.
L’arme sera également très exportée dans les colonies et fera une très longue carrière dans les populations d’Afrique jusqu’en Afghanistan.
Le Chili en utilise aussi (armes fabriquées à Steyr) lors de la Guerre du Pacifique (1879 - 1884), l'opposant au Pérou et à la Bolivie. Une commande de 20 000 armes (avec leurs baïonettes) aurait été faite à l'usine de Steyr (Toutefois, Il se pourrait, en réalité, qu'il s'agisse d'armes rachetées à la Grèce, et non commandées neuves à Steyr). Ces fusils Gras sont similaires à ceux de l'armée Grecque, mais porte les armes du Chili frappées sur le côté droit de la crosse.
L'usine de Steyr, en Autriche, aurait produit 216 000 fusils du type 1874 Gras, avec leurs baïonettes et pièces détachées, ainsi que des pièces (plusieurs commandes successives à la manufacture d'armes de Joseph Werndl) pour le gouvernement français: 200 000 boîtiers de culasse, 30 000 culasses, ...
Les fusils modèle 1874 Gras pour la Grèce
Soldats Grecs armés du fusil Gras (fabrication Steyr)
L'armée Grecque, qui a déjà adopté le revolver modèle 1873 pour son armée, dans le but de remplacer le fusil Mylonas (fusil inspiré du système "Rolling Block" et du fusil belge Comblain, développé par le Major d'Artillerie Enstathios Mylonas, en calibre 11mm), adopte en 1876 le fusil modèle 1874 Gras français.
Ces fusils sont fabriqués par Osterreichische Waffenfabriks Gesellshaft (OEWG), à Steyr (Autriche-Hongrie). Marquage Steyr sur le boitier et Y=1874.
La commande de fusils modèles 1874 du contrat Grec porte sur 57 000 fusils et 6 000 carabines. Ces fusils seront toujours en service dans l'armée Grecque lors de la Guerre des Balkans et pendant la Première Guerre Mondiale.
Les munitions de 11mm sont fournies, dans un premier temps, par la firme Autrichienne Georges Roth à Vienne, puis elle sera ensuite fabriquée par la cartoucherie Hellénique, en Grèce.
Cartouche de 11mm pour le fusil Gras Grec, fabriquée par Georges Roth à Vienne (Autriche). Source : militarycartridges.com
Fusil Gras modèle 1874 M80 (et 1866-74 M80): La modification M80
Pour pallier au risque de rupture d'étui au niveau du culot et de fuite des gaz vers le visage du tireur, une gorge sera fraisée dans la boite de culasse avant la chambre afin de recevoir les gaz et de les évacuer sans risque.
Les armes modifiées recevront un marquage M.80 sur le côté gauche de l’arme, sous l'inscription du nom de la manufacture.
Fusil Gras modèle 1874 M14 (et 1866-74 M14): La modification M14
En 1914, comme nous l’avons vu, le manque d’armes pour les troupes de l’arrière fera ressortir les fusils Gras des arsenaux.
Toutefois, la cartouche 11 mm se faisant rare, certaines armes du système Gras seront recanonnés avec des tubes de fusil Lebel pour passer au calibre 8 mm, dès Novembre 1914 (et jusqu'en Octobre 1915).
Ces armes recevront le marquage M.14 à la suite du marquage M.80.
Le canon est retubé, et un garde-main supérieur est ajouté.
Source : Ruellan Auction
Les autres modifications des fusils modèles 1874 Gras
D’autres fusils du système Gras seront modifiés pour servir de lance fusée ou de lance grappin dans la marine.
Source : tumblr.com
Modèle de fusil signaleur réalisé à la Manufacture Générale d'Armes (MGA) (futurs établissements BALP), à partir d'un fusil Gras modèle 1874. Le canon d'origine à été remplacé par un tube de 26,5mm, basculant, avec extracteur en demi-lune.
Les fusils Gras transformés Chasse
Au plan civil, un nombre très important de fusils Gras sera reconverti en armes de chasse.
Le plus souvent en calibre 24.
Ces transformations de fusils Gras en modèles de chasse s'accompagnent systématiquement d'une suppression des rayures du canon par alésage et du remplacement de la hausse réglementaire.
L’extrémité de la culasse sera aussi modifiée pour accepter le culot plat des cartouches de chasse.
Certains seront adaptés à des calibres plus gros (20, 16 et 12) mais plus rarement car le canon devait être changé. Ces armes très bon marché, car issues de surplus, connaitront un véritable succès dans la France rurale, on en trouve encore énormément de nos jours.
Les "Fusils et carabines Gras réglementaires transformés en fusil de chasse, percussion centrale, calibres 12, 16, 20 et 24" apparaissent au catalogue de la "Manufacture Française d'armes de Saint-Etienne" en 1900:
Extraits du catalogue 1900 de la Manufacture Française d'Armes de Saint Etienne, concernant les fusils Gras transformés chasse.
(La mention "Ne pas confondre nos fusils Gras transformés, avec ceux qui sont fabriqués avec des pièces de rebut" est plutôt intéressante...)
Le fusil Gras de chasse "Le Hubert" (Saint-Etienne)
Fabriqué de 1885 à 1907, vendu de 1890 à 1907, dans différents calibres (12, 16, 20, 24).
Extraits du catalogue 1900 de la Manufacture Française d'Armes de Saint Etienne, concernant le fusil Le Hubert.
Le fusil Le Hubert est donc présent sur les catalogues de la "Manufacture Française d'armes de Saint Etienne" entre 1890 et 1901, puis sur ceux de la "Manufacture Française d'armes et cycles de Saint-Etienne" entre 1901 et 1907.
Il est vendu le double du prix du fusil "Gras transformés chasse" (vendu à partir de 1900), et se veut de bien meilleure facture.
Il adopte sa forme avec ce levier coudé (issue de la carabine Patriote) en 1889.
Exemplaire du fusil Le Hubert de la Manufacture Française d'Armes de Saint Etienne, en calibre 24. Crédit Photo: François Reuche
Le fusil Le Hubert se différencie des modèle militaires rechambrés en calibre de chasse, par les éléments suivants: le boîtier, le tonnerre et le début du canon sont arrondis.
Il évolue au fur et à mesure des années de production: suppression de la clavette à l'avant du fût, évolution des marquages, de la forme du bois, évolution des pièces du mécanisme, évolution de la hausse, évolution du dessin du pontet, ...
Exemplaire du fusil Le Hubert de la Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint Etienne, en calibre 20.
Toutefois, sur les (rares) exemplaires recontrés, on retrouve des matricules sur les pièces du mécanisme, indiquant bien qu'il à été produit à partir de pièces de modèles militaires (rebut ou réutilisation ?).
Exemplaire du fusil Le Hubert de la Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint Etienne, en calibre 20.
Voir ce lien pour plus d'informations sur le fusil Le Hubert.
Les fusils Gras scolaires
En cours de rédaction
Les fusils Gras de cadet
En cours de rédaction
Les Bataillons Scolaires
Ci-dessous, vous retrouverez un article de Jean-Pierre Bastié, paru initialement dans Armes & Collections Magazine N°24, et consultable en ligne sur le site academie-des-armes-anciennes.com.
Le site academie-des-armes-anciennes.com ayant disparu, je remet l'article en ligne ici.
Les bataillons scolaires sont institués en France, par le décret du 6 juillet 1882. Mais ce décret ne fait que valider une pratique qui se répand de plus en plus dans le pays depuis la fin de la guerre de 1870. De nombreuses communes ont déjà développé la pratique de la gymnastique et des exercices militaires dans leurs établissements d'instruction publique primaire ou secondaire. La défaite cinglante de la France en 1871 et la perte de l'Alsace et de la Lorraine ont engendré un vif sentiment de revanche. Le pays est exsangue et l'armée humiliée à beaucoup perdue de sa crédibilité. Mais aux initiatives du gouvernement pour restaurer le potentiel militaire du pays, s'ajoutent de nombreuses initiatives privées dont le seul but est de ranimer la flamme des bataillons de l'espérance, qui ont vu le jour sous la Révolution française. La génération des vaincus veut rallumer dans les générations à venir le feu sacré qui a tant manqué aux soldats battus à Sedan et à Paris.
L'espoir de la revanche appartient aux enfants, et les adultes ont désormais le devoir de préparer la jeunesse au prochain conflit qui rendra son honneur à la France. La loi de 1882, qui comprend de nombreux articles, prévoit une préparation dès l'école primaire afin d'incorporer les enfants dès l'âge de douze ans au sein des bataillons scolaires. Ces bataillons sont organisés de façon militaire. L'uniforme n'est pas une obligation, mais le port de ce dernier est vivement encouragé par les maires des grandes agglomérations.
Aucun modèle particulier n'est décrit dans les différents textes qui régissent l'organisation des bataillons. Mais à l'instar de la ville de Paris, dans la majorité des cas l'uniforme adopté par les bataillons scolaires des grandes villes est constitué d'une veste de drap bleu, d'un pantalon gris fer et d'un béret de marin, marqué du nom de la ville. L'armement est beaucoup mieux décrit, il évolue suivant l'âge de l'enfant, allant du simple fusil de bois, tout juste bon au maniement d'arme, au fusil de cadet, tirant une cartouche réduite du fusil réglementaire Mle 1874, en passant par divers modèles d'armes de manœuvre ou de tir réduit. Les instituteurs assurent l'instruction. Ils sont souvent assistés dans cette tâche par d'anciens militaires de carrière et aidés par la lecture de nombreux ouvrages de théorie qui apparaissent au début des années 1880. Dès leur formation, les bataillons scolaires participent à toutes les manifestations publiques. Mais ils brillent surtout lors des grandes messes républicaines du 14 juillet. A leur création, les bataillons portent l'espoir de tout un peuple et la France vibre aux sons de leurs tambours et de leurs clairons. Mais leur instauration va vite déchaîner les passions. Le clergé voit d'un très mauvais œil la pratique des exercices militaires au sein de ses établissements privés. L'armée supporte mal de voir le ministère de l'instruction publique s'immiscer dans ses affaires et les partis de gauche crient au populisme avant même de hurler au boulangisme.
Face à des adversaires aussi nombreux et puissants, le mouvement s'essouffle rapidement. D'autant que l'organisation et l'entretien de ces bataillons d'enfants grève d'importance le budget des communes. En 1892 s'en est fini des bataillons scolaires. Les armes disparaissent dans les combles des écoles, les uniformes partent chez les chiffonniers et la gymnastique d'une part, le tir scolaire d'autre part, remplacent manœuvre et défilés. Mais tous les bataillons ne disparaissent pas en même temps. Certaines communes de l'est de la France garderons leurs petits soldats jusqu'au début des années 1900. Il reste de cette époque de nombreux vestiges. Des armes tout d'abord, fusils de bois ou armes de tir, versions réduites des fusils réglementaires du temps, mais aussi de nombreux souvenirs et des objets du quotidien qui évoquent la ferveur populaire qui enflamma les foules dans les premières années de vie des bataillons scolaires.
Le fusil Gras au stand de tir:
De nos jours ce magnifique fusil se rencontre quelquefois dans nos stands de tir, c’est tout de même assez rare car la munition n’étant plus fabriquée depuis longtemps, seuls les tireurs disposant des compétences nécessaires pour recharger les cartouches pourront l’employer. Bien entendu, seules les armes en parfait état seront destinées à cette fin.
Rechargement du calibre 11mm pour le fusil Gras
Pour confectionner les munitions, il faut tout d’abord trouver des étuis. Certains fabricants en proposent, comme Bertram ou Horneber (à commander en Allemagne), voire H&C (car ils sont fragiles), on peut aussi reformer des étuis en 348 Winchester ou en 10.3x60R qui est un calibre encore employé à la chasse en Suisse. De précieux renseignements pourront être trouvés sur le forum Tir et Collection).
Les étuis transformés conviennent mais ne seront pas totalement identiques à l’étui original, le 348 élargi sera plus court et le 10.3x60 R aura un bourrelet beaucoup plus mince.
Pour la balle il y a également plusieurs possibilités, la société française H&C la propose, on peut aussi la couler en plomb pur ou durci en achetant un moule adapté.
Deux choix sont possibles.
Le premier consiste à couler une balle de conception moderne dont le calibre correspond à la dimension théorique du canon à fond de rayures (soit 11.50 mm), avec un moule spécifique (disponible ici), et dont la balle ressemblera à ça:
Soit utiliser un moule en 11.20/11.25 et calepiner la balle qui aura été coulée en plomb pur et pourra gonfler au tir, solution préférable en cas de canon un peu large.
Il convient en effet de noter que le calibre théorique de l’arme 11/11.50 mm peut varier selon les spécimens, j’ai personnellement trouvé 11.14/11.60 sur l’une de mes armes et 11.10/11.80 sur l’autre, toutes deux munies de canons type 1874.
Ci-dessous moulage d’un canon type 1866-74:
Restera à définir quelle poudre employer et quelle charge. En poudre noire, une charge d’environ 3 g, complétée par de la semoule pour ne pas laisser de vide dans l’étui, suffira pour propulser la balle avec suffisamment de précision. Pour ceux qui préfèrent les poudres modernes, la Vectan AO convient très bien avec une charge de 0.8 à 1 g. Je conseille d’ailleurs fortement la lecture du site de Jean Pierre Sedent dédié au fusil Gras et au rechargement de sa cartouche.
Pour les outils de rechargement, outre la société H&C qui propose un kit simplifié, on ne trouve plus guère que la marque CH4D sur le marché pour des outils conventionnels.
Au tir
A 100 m et avec une munition adaptée à son fusil, le groupement peut être excellent :
Conclusion:
Le fusil Gras est un superbe fusil fiable et précis qui, bien que moins célèbre que le Lebel, a accompagné une page de l’histoire de France.
Inséparable du revolver 1873, il mérite grandement de figurer dans les collections avec ses diverses variantes.
En terme de législation, les différentes armes du système Gras (armes non "modifiées chasse") sont aujourd'hui classées en catégorie D§e ("Armes historiques et de collection dont le modèle date d'avant janvier 1900, sauf celles classées dans une autre catégorie en raison de leur dangerosité"), et peuvent donc être détenus par toute personne de plus de 18 ans. Voir la partie législation du site.
Illustration ci-dessous un gendarme avec sa carabine modèle 1874 Gras et son revolver modèle 1873 dans son étui jambon précoce.
Rédacteur invité: Article rédigé par Philippe Cholez
Amateur d'armes réglementaires de la fin du XIXème siècle, notamment des revolvers modèles 1873 et 1874 et fusils Gras, Licencié FFT à 16 ans et adhérent à l’UFA.