Restaurer un revolver Chamelot Delvigne modèle 1874
Pour cet article consacré à la restauration complète d'un revolver d'ordonnance modèle 1874, je laisse la parole à un autre expert du revolver d'ordonnance Français (modèles 1873 et 1874), ainsi que des armes réglementaires françaises.
Membre du forum TCAR, et bien plus bricoleur que moi, LP nous présente aujourd'hui un travail absolument remarquable sur la remise en état d'un revolver très oxydé extérieurement, mais qui méritait grandement d'être sauvé, à la fois par son mécanisme sans jeu, son canon très acceptable, et surtout parce qu'il s'agit d'un vétéran de l'armée française !
Restauration d'un Revolver Modèle 1874
Il est assez courant de trouver en France des revolvers 1873-74 en mauvais état et peu de personnes osent se lancer dans une restauration de peur de ne pas savoir et de faire plus de mal que de bien. Cela est quelquefois justifié.
Crédit photos: LP
Toutefois, comme pour les automobiles anciennes ou les monuments, la restauration et la remise en état sont la seule solution pour préserver ces armes anciennes et les transmettre correctement. Il est en effet des situations où les outrages du temps font qu’il y a plus d’intérêts à tenter la restauration de l’objet que de le laisser en état. Il en va de sa sauvegarde pour le futur.
En prenant les précautions nécessaires et avec beaucoup de patience et de minutie, il est possible, sans être un professionnel, de restaurer une semi-épave de revolver pour en faire un objet de collection satisfaisant. Autrement dit de passer des photos ci-dessus à cela :
Crédit photos: LP
L’arme en question datait de 1875, soit un revolver de début de production, il était au numéro, complet et fonctionnel, le canon était intérieurement correct avec des rayures nettes. Il aurait été dommage de le laisser dans un tel état.
Les différentes pièces, oxydées, de ce revolver modèle 1874, après démontage de l'ensemble. Un article, sur ce site est est consacré à la manière de démonter entièrement votre revolver modèle 1874 ou 1873. Crédit photo: LP
Matériel nécéssaire pour restaurer un revolver ancien
Au niveau des outils il faut peu de choses :
- Du papier abrasif pour métal en 60 - 80 - 200 - 400
- Une perceuse (pour mettre en mouvement les pièces qui vont devoir tourner, canon et barillet)
- Un étau solide avec des mordaches en plomb (du bois à défaut), deux, si le démontage du canon est nécessaire
- Des tournevis
- Des tampons ménager verts
- Eventuellement un jeu de limes (y compris des micro)
- De la pâte et du liquide à polir (pour le bronzage il faut un poli brillant)
- Un gaz (pour le jaune des pièces)
Dans certains cas, chalumeau, poste à souder (TIG de préférence), perceuse à colonne.
Le but de la restauration est de stopper la corrosion, de restituer un aspect agréable à l'arme et de lui rendre un fonctionnement sûr et fiable. Les marquages doivent être préservés au mieux, les pièces d'origine conservées ou remplacées à l'identique.
Dérouillage du revolver
Dans un premier temps, il peut être nécessaire de détruire la rouille présente sur le métal du revolver. Pour cela il existe plusieurs méthodes :
La plus efficace étant sans conteste le dérouillage électrolytique, toutefois, c’est une opération qui demande de prendre certaines précautions et mérite un tutoriel dédié.
Il est plus simple d’utiliser soit des solutions du commerce, en suivant leur mode d’emploi, soit d’utiliser de l’acide oxalique en poudre en suivant le dosage indiqué et la durée de contact, on peut immerger la pièce ou la badigeonner au pinceau.
Après action de l’acide et passivation de la rouille, bien laver la pièce à l’eau claire et la sécher (sèche-cheveux, air comprimé, four).
Démontage du canon
La présente restauration nécessitait de démonter le canon de ce revolver modèle 1874, pour pouvoir le travailler.
(Ayant oublié de photographier cette opération, les photos proviennent du démontage d’une autre arme, non réalisé par moi).
La carcasse de l'arme est bloquée à fond dans l'étau principal au niveau du bâti et non de la poignée. Un second étau, de préférence celui d'une perceuse à colonne, est bloqué également à fond sur un pan plat du canon. Les mords de cet étau doivent être nets et bien droits pour ne pas marquer le canon (ne pas mettre de mordaches en plomb sur cet étau afin de ne pas ripper).
Crédit photos: LP
Une fois le canon démonté de la carcasse du revolver:
Crédit photo: LP
Le guidon devait également être enlevé afin de pouvoir poncer correctement l’extrémité du canon. D’origine il est simplement brasé au laiton et un petit chalumeau type camping gaz suffit pour le dessouder.
Crédit photos: LP
Ponçage du revolver
Pour éliminer les cratères causés par la rouille, il n’y a que deux méthodes: le ponçage ou le remplissage par du métal d’apport à l’aide, de préférence, d’un poste à souder de type TIG.
La première est à la portée de tout le monde.
La seconde demande un savoir-faire et de posséder le matériel (nous en parlerons plus loin).
Ce qui définit l’usage de l’une ou de l’autre de ces méthodes est la profondeur des cratères et la quantité de métal à enlever pour revenir à une finition propre. S’agissant d’une arme que l’on souhaite à nouveau faire parler, il n’est pas question d’amincir exagérément certaines parties, notamment le barillet et le canon. Si des cratères profonds concernent ces éléments, il faudra immanquablement rapporter de la matière. Bien entendu les pressions développées dans les armes à poudre noire sont bien moindre que dans les armes modernes, pour lesquelles tout affaiblissement des parties sensibles serait dangereux.
Commençons donc par le ponçage. Il doit être réalisé du grain le plus gros vers le grain le plus petit, toujours à l’aide d’une cale à poncer. Dans les endroits peu accessibles on peut en confectionner une à l’aide de petits morceaux de bois sur lesquels on fixe l’abrasif. Les parties plates sont faciles à poncer, toujours dans le même sens. On peut poncer la pièce en la frottant sur l’abrasif ou l’inverse, selon la commodité de la chose.
Pour les parties cylindriques comme le bout du canon, on le bloque dans un étau muni de mordaches et l’on fait des va et vient avec le papier abrasif en tournant régulièrement la pièce afin de la travailler de manière uniforme.
Illustrations :
Les pans octogonaux du canon doivent être poncés bien à plat pour refaire des angles vifs :
Crédit photo: LP
Poncage du barillet:
Crédit photos: LP
Pour les encoches du barillet, une petite meule du bon format permet de les traiter. Il faut bien contrôler la vitesse de la machine (visseuse ou dremel) pour ne pas enlever trop de matière.
Crédit photo: LP
La carcasse après un ponçage au gros grain. Les marquages ont été préservés, heureusement ils n’étaient pas très attaqués.
Crédit photos: LP
La calotte:
Crédit photos: LP
La tige d’éjection :
Chaque pièce doit être remise en état pour la cohérence de l’ensemble :
Crédit photos: LP
La soudure:
Il y avait malheureusement, sur ce revolver, quelques trous à combler au poste à souder. Cette opération a été réalisée par une personne de métier à l’aide d’un TIG :
Crédit photos: LP
Le ponçage de finition :
Le principe est le même, mais on utilise des papiers abrasifs de plus en plus fins.
Tout cela commence à avoir meilleure allure. C’est toutefois la partie qui demande le plus de patience car on enlève de moins en moins de matière.
Crédit photos: LP
Le canon est terminé, il restera à ressouder le guidon. La gravure a été reprise par un graveur "professionnel".
Crédit photo: LP
L’emplacement initial du guidon n’étant plus visible, il faut le positionner correctement vis-à-vis du cran de mire pour conserver la justesse du tir.
On peut confectionner un guide à l’aide d’un collier de serrage évidé pour positionner le guidon au bon endroit. Poser le collier, placer le guidon et régler l’alignement de l’ensemble à l’aide d’un fil de nylon. La soudure sera ensuite réalisée à l’étain à l’aide d’un petit chalumeau de type camping gaz. Les surfaces en contacts (dessus du canon et embase du grain d'orge) devront bien entendu être soigneusement décapées à l’aide de graisse pour soudure et étamées une 1ère fois.
Mettre le fer à souder dans le canon, bien le laisser chauffer, mettre la pâte décapante, Enfin, après avoir bien chauffé le grain d'orge dans la flamme du bleuet, l’amener au contact du canon et appuyant bien. Si le collier est pris dans la soudure, le déplier puis le chauffer doucement jusqu’à son décollement.
Crédit photo: LP
L’ensemble est désormais assez sympathique, il reste à bronzer ce revolver modèle 1874.
Crédit photos: LP
Bronzage du revolver modèle 1874
Les revolvers modèles 1874 étaient bronzés au charbon de bois (jusqu'en 1880) ce qui leur conférait une magnifique couleur bleutée. Après 1880, le bronzage se fait au feu, ce qui donne un bronzage plus noir et plus mat. Concernant le rhabillage en manufacture, on voit apparaître un troisième type de bronzage dès 1894: le bronzage chimique (bronzage humide), dont la recette se trouve dans l'instruction réglementaire de 1905, disponibles dans la bibliographie).
Etaient bronzés, le canon, la carcasse, la plaque de recouvrement, le barillet et le pontet.
De nos jours, il est plus simple d’utiliser des liqueurs toutes faites du commerce. Chacune a ses avantages, pour ma part, j’utilise souvent le « Super Blue » de Birchwood casey, mais ce n’est pas forcément la meilleure.
Pour obtenir un bronzage bien brillant, le métal doit être parfaitement poli. Il doit être dégraissé à l’aide d’acétone par exemple (usage dans un local bien ventilé). Il convient ensuite de suivre le mode d’emploi fourni avec la liqueur. Là encore, s’agissant de produits dangereux il convient de porter des équipements de protections (gants, lunettes).
Les pièces mises au jaune:
Concernant le revolver d'ordonnance modèle 1874, les pièces mises au jaune paille sont toutes les pièces, autres que celles bronzées, sauf les ressorts (voir l'article consacré au revolver modèle 1874).
Pour obtenir un jaune paille, mettre la pièce parfaitement polie sur une tôle placée sur un feu (un simple gaz de camping suffit), il faut que l'endroit soit bien éclairé pour permettre de repérer le début du changement de couleur. En chauffant, l’acier va se colorer du jaune paille au bleu. Retirer la pièce aussitôt que le jaune apparait et ne pas attendre d'obtenir la couleur souhaitée, sinon avec l'inertie thermique on est systématiquement trop foncé. Si cela se produit, on peut cependant éclaircir avec un produit à polir sur un chiffon. Si c'est raté on remet au blanc brillant et on recommence.
Coloration de l'acier en fonction des températures de chauffe:
Le résultat final
Crédit photo: LP
C’est bien entendu le revolver du haut qui a été restauré.
Au final l’arme fait 967 g à la place de 990 g (poids officiel dans l'Instruction sur les armes et les munitions en service, approuvée le 29 Octobre 1905), donc 23 g d'enlevés soit 2.32 % de métal en moins, c’est peu et même insignifiant au niveau de sa solidité.
Ce revolver historique convenablement huilé est désormais sauvé, il fera le bonheur d’un collectionneur ou d’un tireur aux armes anciennes.
LP
Rédacteur invité: Article rédigé par LP
Membre du forum tircollection.com (TCAR), expert en armes réglementaires françaises, membre de l'UFA et licencié FFT, LP est aussi un très bon bricoleur, et d'une véritable gentillesse.
Ressource PDF complète sur la restauration des armes anciennes: voir ici.