Le Revolver perfectionné d’officier de l’armée Française:
Le Fagnus
Les clients de la manufacture d’armes de St Etienne pouvaient acheter dans le catalogue de 1890 un révolver présenté comme une évolution du modèle réglementaire car doté de perfectionnements permettant son démontage sans outils. Bien que cette arme, disponible en plusieurs calibres, n’ait jamais été adoptée officiellement par l’armée Française, elle connut pourtant un indéniable succès commercial de la fin du 19ème siècle jusqu’au 1er conflit mondial.
Catalogue de la Manufacture Française d'Armes de Saint Etienne de 1890, présentant le Revolver perfectionné d’officier de l’armée Française.
Le revolver Fagnus (ou Maquaire) équipa en effet un grand nombre d’officiers de réserve et servit, de fait, lors de la grande guerre vu les énormes besoins en matière d’armement. La très grande majorité de ces révolvers seront chambrés en 11 mm 1873 (12 mm du commerce).
Origine et description du revolver Fagnus
De Maquaire à Fagnus
Pendant de nombreuses années ce révolver, assez courant en France, fut désigné par les collectionneurs sous le nom de "revolver Maquaire", du nom d’un commerçant Parisien qui le proposa sans succès, en 1887, à la commission permanente de Versailles chargée de trouver un remplaçant aux revolvers modèles 1873 et 1874.
Monsieur Amédée Maquaire laissa donc provisoirement son nom à ce modèle de revolver, avant que les recherches de Jean Paul Bastié replacent l’inventeur A. Fagnus dans son bon droit vis-à-vis de l’histoire.
Alexandre Fagnus, armurier Belge, conçu en effet cette arme inspirée du Chamelot-Delvigne 1873 et déposa plusieurs brevets à son sujet de 1873 à décembre 1876.
Ce type de revolver à aussi bien été fabriqué en france (et notamment à Saint Etienne), qu'en belgique (Liège).
Le revolver Fagnus Maquaire en détail
C’est un solide révolver à cadre fermé, simple et double action, de bonne facture, muni d’une tige d’éjection latérale des étuis et d’un anneau de dragonne.
Le canon, proposé en deux longueurs, est octogonal sur toute la longueur, du moins pour les versions les plus courantes (le modèle présenté ici est à canon long).
Crédit Photos: Philippe Cholez
Par rapport au revolver modèle 1873 de Saint Etienne, il possède plusieurs améliorations :
- Un chien rebondissant, supprimant la position de demi-armé et les risques d’enclouages fréquents avec les munitions de l’époque. Cette innovation, qui se généralisera ensuite, permet également de laisser le barillet libre de tourner en dehors de la position armée et facilite le rechargement. Le dernier brevet de décembre 1876 concernera toutefois un dispositif de blocage de ce barillet lors de l’abaissement de la portière de rechargement (système non présent sur ce modèle de début de série).
- Le percuteur et son logement dans la carcasse sont mieux étudiés que ceux du 1873.
- Un démontage ultra rapide et sans outils. Contrairement au 1873, l’accès au mécanisme ne demande aucun dévissage mais juste de basculer le levier situé du côté gauche de l’arme.
Les pièces de la platine sont numérotées de 1 à 5 afin de les enlever et les remonter dans le bon ordre. En outre, la plaque latérale est fixée au cadre comme sur les revolvers suisses et le revolver d'ordonnance français modèle 1892 (mais le sens d’ouverture est inversé). Le levier verrouille la plaque mais aussi l’axe du barillet.
Crédit Photos: Philippe Cholez
- Une réduction du nombre de pièces. Si un révolver modèle 1873 intègre 11 pièces pour la platine, dont 4 ressorts, le Fagnus se contente de 7 seulement avec 2 ressorts. La platine et son ressort principal inspireront sans doute les concepteurs des revolvers ultérieurs dont les revolvers modèles 1887 et 1892.
- Un point de mire dérivable permettant son réglage. Selon les versions commercialisées ce guidon peut être plus ou moins fin.
Crédit Photos: Philippe Cholez
- Un poids réduit par rapport au 1873 et même au 1874.
La construction de l’arme est excellente, l’acier fondu employé de bonne qualité, loin de certaines productions belges de l’époque, pas de jeux indésirables.
Les plaquettes finement quadrillées peuvent être réalisées dans différents bois dont l’ébène (il y a même des versions en ivoire, ci-dessous) car, et c’est probablement une des raisons du succès commercial de cette arme, les finitions possibles sont nombreuses, autant que les calibres (tous ceux de l’époque du 5 mm au 44 Russian, en passant par les calibres 320, 450, ...), canon long, canon court, arme gravée, bronzée, polie ou nickelée.
Différents exemples de finitions de luxe du revolver Fagnus Maquaire:
Magnifique revolver Fagnus de luxe, en coffret. Crédit Photo: Gazette des Armes n°88 (Décembre 1980).
Massif revolver Fagnus de luxe, jaspé avec monograme en mettres d'or en coffret. Fabrication Saint-Etienne. Crédit Photo: Naturabuy.
Revolver Fagnus de luxe. Crédit photos: coffret-de-collection.com
Crédit photos: Lucien Paris. Revolver Fagnus (Maquaire), calibre 11mm/73, simple et double action, canon marqué sur le côté gauche: "ACIER FONDU"et numéroté: "1888"; plaque de recouvrement amovible, ouverture à l'aide d'une clef placée latéralement; poinçon de Saint-Etienne sur le barillet, pièces mécaniques bouchonnées; finition bleuie; plaquettes de crosse en noyer quadrillées; longueur 27 cm.
Crédit photos: Lucien Paris. Revolver Fagnus (Maquaire), calibre 11mm/73, simple et double action, canon numéroté sur le côté gauche: "32"; plaque de recouvrement amovible, ouverture à l'aide d'une clef placée latéralement; poinçon de Saint-Etienne sur le barillet, pièces mécaniques polies glace; finition bleuie et jaspée; plaquettes de crosse en noyer quadrillées; longueur 24 cm.
Crédit photos: SCP - ENCHERES PAYS DE LOIRE SARL. Coffret en acajou de Cuba, intérieur en velour violine d'origine marqué en lettres d'or Gastinne-Renette à Paris, contenant un revolver de récompense offert au Général Boulanger par le Ministre de la Guerre. Revolver de Cal.11mm 73 Fagnus-Maquaire, entièrement nickelé. Canon à pans, gravé coté gauche Acier Fondu et N° de série 14196. Plaquettes de crosse finement quadrillées avec la plaque en argent gravée Offert par le Ministre de la Guerre. Le coffret a sa clé d'origine avec son étiquette ronde écrite de la main du Général Boulanger : Boîte Revolver Boulanger.
Les marquages et poinçons du revolver Fagnus Maquaire
Les marquages sont bien moins nombreux que ceux des révolvers réglementaires, le numéro de série et la mention acier fondu se trouvent sur un des pans du canon du côté gauche. Le barillet porte le marquage ELG caractéristique des productions Belges, et des initiales CD sont marquées du côté gauche de la carcasse au niveau de la crosse. On trouve également quelques poinçons ici ou là.
Crédit Photos: Philippe Cholez
Le revolver Fagnus Maquaire: un succès Européen
Plébiscité en France par les bourgeois et les officiers de réserve, l’arme reçut aussi un bon accueil à l’international. De Londres à Berlin, de nombreuses versions de ce revolver adaptées aux marchés locaux furent proposées. La fabrication sera réalisée par la société Fagnus et Cie mais probablement aussi par de nombreux autres armuriers européens après accords.
Signe de son succès, la reine Victoria fit cadeau à son petit-fils Guillaume II d’un revolver Fagnus de luxe, que le Kaiser porta effectivement à la ceinture, son handicap (bras gauche paralysé à la naissance) lui rendant l’armement d’un pistolet semi-automatique difficile.
La finition de ce type de revolver est excellente :
Crédit Photos: Philippe Cholez
Adoption du revolver Fagnus par l'armée Danoise: Omdrejningspitol M.1880
En 1880 l’armée Danoise adopte le revolver Fagnus, en calibre 9,1 mm (1880 à 1882), puis en calibre 9,6mm à partir de 1882. Cette dernière modification du calibre entraîne un allongement du barillet.
Il y a quelques modifications avec le revolver Fagnus du commerce : canon rond vers l’avant, guidon plus massif et montage d’une sécurité. Le revolver restera en service jusqu'en 1946.
Crédit Photos: huntershouse.dk.
Environ 1000 revolvers du premier type seront produits, et 1600 pour le second type (à partir de 1882). ces revolvers seront fabriqués à Copenhague. Les officiers de l'armée du Danemark souhaitant acheter ce revolver devaient se le procurer à leurs frais.
La cartouche sera modifiée (allongée) en 1882.
Le revolver d'officier Danois Omdrejningspitol M.1880 dans un manuel Danois d'époque.
Un deuxième exemplaire de revolver Danois Omdrejningspitol M.1880/85:
Crédit Photos: lauritz.com
Le revolver Fagnus: Quelques défauts mais un précurseur
Outre la finesse du guidon de la plupart des versions courantes (mais il faut noter que le point de mire monté sur queue d'aronde est réglable) préjudiciable à la précision, la plaquette droite est fixée par deux courtes vis qui, vu la faible épaisseur du bois, sont loin d’assurer la solidité du montage de celle d’un 1873.
Tout compte fait, bien peu de choses par rapport aux innovations de l’arme, comme nous l’avons vu, le chien rebondissant, la platine et son ressort principal, la numérotation des pièces, la plaque de recouvrement articulée seront repris dans beaucoup de révolvers ultérieurs, notamment les revolvers d'ordonnance modèles 1878 et 1882 suisses et le 1892 français.
Ce revolver a donc indubitablement marqué l’histoire de l’armurerie européenne et aux mains de nombre de nos officiers laissé l’empreinte d’une arme que l’on pourrait presque qualifier de semi-réglementaire.
Crédit Photos: Philippe Cholez
Le revolver Fagnus Maquaire au pas de tir
Pour remédier à la finesse du guidon, on peut l’épaissir avec un mastic permettant la réversibilité de l’opération (on peut aussi refaire un guidon plus large sans grande difficulté).
Le revolver présenté n’est pas en 11mm 1873 mais en 450. La munition française chambre, mais le canon ne fait que 10.90/11.20 mm au lieu de 11/11.40 mm.
Comme la plupart des revolvers de l’époque, il tire haut à 25 mètres, malgré une charge de poudre noire assez faible (0.6 g). On peut bien entendu en mettre plus, mais il tirera encore plus haut.
Sur chevalet de tir, la précision intrinsèque est voisine de celle d’un 1873.
Rédacteur invité: Article rédigé par Philippe Cholez
Amateur d'armes réglementaires de la fin du XIXème siècle, notamment des revolvers modèles 1873 et 1874 et fusils Gras, Licencié FFT à 16 ans et adhérent à l’UFA.